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Francisco Lozano lecteur
22 avril 2016

QUI A TUE ROGER ACKROYD

ackroyd

AVERTISSEMENT AU LECTEUR : Si vous n’avez pas lu les romans d’Agatha Christie intitulés « Le meurtre de Roger Ackroyd » ou « Poirot quitte la scène » et que vous n’écartez pas la possibilité de les lire un jour n’allez pas plus loin dans cette chronique. En effet, j’ai peur de dévoiler des éléments des romans qui vous gâcheraient le plaisir de les lire et je m’en voudrais.

 

Je viens de lire un roman/essai de Pierre Bayard « Qui a tué Roger Ackroyd ? » publié aux Editions de Minuit en 1998 dans la collection Paradoxe et réédité pour la dernière fois en 2008 par le même éditeur dans la collection Double. C’est un essai passionnant pour qui s’intéresse à ce type de romans.

La trame du livre repose sur une idée simple et originale, relire le roman d’Agatha Christie, en partant du postulat qu’Hercule Poirot a commis une erreur en désignant le docteur Sheppard comme auteur de l’assassinat de Roger Ackroyd.

Le roman publié en 1926 fut le premier d’Agatha Christie à avoir un très grand succès. Il est considéré comme l’un de ses chefs d’œuvre dans l’art de surprendre le lecteur puisque le coupable n’est autre que le narrateur du roman.

Pierre Bayard se livre à une analyse très fouillée du roman et plus généralement de l’œuvre d’Agatha Christie avant de nous livrer une conclusion que je ne dévoilerai pas. Il y analyse les méthodes employées par l’auteure pour égarer le lecteur, les confrontant aux règles de Van Dine dont j’ai parlé dans mon précédent billet sur ce blog. Dame Christie prend de toute évidence des libertés avec elles puisque au fil de ses romans vous trouverez de nombreuses entorses à ces 20 commandements dont le sommet est constitué probablement par le détective assassin de « Poirot quitte la scène ».

A travers l’essai de Pierre Bayard vous serez amené à un réflexion sur la place du lecteur dans sa relation avec l’auteur, sur sa liberté de créer une autre œuvre que celle que l’auteur lui destinait. Vous découvrirez que sans l’état de « sidération » dans lequel vous plonge un roman policier à énigme les ficelles employées par le romancier vous apparaîtraient beaucoup plus nettement.

En analysant “l’ erreur” commise par Poirot l’auteur en fait remet en cause, sans jamais le dire, la mécanique du récit tel qu’elle est mise en œuvre par Agathe Christie soulignant ses faiblesses. J’ai envie de dire que le talent de l’écrivaine n’en est que plus grand, puisqu’à travers une construction narrative imparfaite, elle conduit le lecteur à la solution qu’elle a imaginée, la lui imposant avec la force du raisonnement qu’Hercule Poirot déroule lors de la traditionnelle scène finale. De fait c’est la conviction, qui s’est imposée à vous tout au long du roman, qu’Hercule Poirot ne peut être qu’infaillible qui vous empêche de remettre en cause sa démonstration.

Du point de vue de l’effet de surprise il est évident que la solution choisie par l’auteure est nettement supérieure à celle que nous livre Pierre Bayard, ce qui prouve que prendre des libertés avec la logique peut avoir un effet positif sur la qualité d’un livre. La liberté de l’auteur qui met la logique au service de son projet est indispensable. Ce n’est pas par hasard que Van Dine réduisait le roman policier à un jeu, Cluedo sur papier, en lui interdisant tout ce qui fait le sel d’une œuvre littéraire. Enfermé dans un tel carcan un auteur n’a plus que la ressource de se dire qu’il a bien trompé ses lecteurs et c’est dommage.

Cet essai nous ouvre à nous lecteurs un champ immense, celui de la re-création des romans à travers notre lecture devenue un acte de même nature que celui de l’écrivain.

Je recommande ce bouquin à tous ceux qui aiment lire ou écrire des romans policiers à énigme, votre vision de ce genre littéraire en sera modifié durablement.

 

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Francisco Lozano lecteur
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